De l’invention de la machine à calculer à celle
des détecteurs de particules, voici répertoriées, entre le XVIIe siècle et le
XXe siècle, quelques-unes des nombreuses inventions françaises qui ont
contribué à faire avancer le monde et à le changer. Ces grandes inventions
couvrent un large spectre : transports, médecine, physique, arts visuels, arts
de la table, hautes technologies…
1.
Invention du Minitel (1977-1981)
Initiant les Français à la
communication électronique avant internet, le Minitel a joué un rôle majeur
dans l’histoire des télécommunications en France. À son apogée, à la fin des
années 1990, il équipait neuf millions de foyers et d’entreprises, et faisait
un milliard d’euros de chiffre d’affaires.
L’origine du Minitel remonte à 1977, quand le président de la République
Valéry Giscard d’Estaing demande à Simon Nora et Alain Minc, inspecteurs des
finances, de rédiger un rapport sur "L’informatisation de la
société". Ce rapport, qui est publié et devient un best-seller, invente le
mot et concept de "télématique" (liant télécoms et informatique),
préfiguration du Minitel. Alors lancé par Gérard Théry, directeur général des
Télécommunications, un projet de services d’informations en ligne se concrétise
par la mise en place du réseau Télétel et de son accès par Minitel, terminal
du premier "réseau télématique" grand public dans le monde.
En 1981, 4 000 terminaux Minitel sont distribués gratuitement en guise de
test dans le département d’Ille-et-Vilaine. La gratuité est conservée lors de
la commercialisation du Minitel sur tout le territoire un an plus tard, en
1982, avec l’ouverture d’un premier service opérationnel – l’annuaire
électronique gratuit (3611). Pour sa rentabilité, le réseau Télétel va en effet
s’appuyer, non sur l’appareil Minitel lui-même, mais sur le prix de la durée de
connexion (téléphonique) au service d’accès Télétel qui permet une pluralité de
tarifs par minute, avec les fameux paliers 3615, 3616, 3617, etc. Quant à
l’accès gratuit au 3611, il stimule le lancement du Minitel, prêté gratuitement
à chaque abonné du téléphone. Grâce à cette politique volontariste, le Minitel,
qui connaît un succès immédiat, permet à des millions de Français de se
familiariser avec les "services en ligne" avant l’heure d’nternet et
de l’ordinateur individuel.
2. Invention de la carte à puce
(1974)
Carte bancaire, carte SIM,
carte Vitale, pass Navigo… Brevetée en 1974 par Roland Moreno, la carte à puce
est une invention française. Elle s’est d’abord généralisée par le biais de la
carte bancaire.
L’idée novatrice de Roland Moreno, autodidacte passionné d’électronique,
est de loger une mémoire à circuits intégrés (PROM 1024 bits) dans une carte à
format standard…
La première demande de brevet est déposée le 25 mars 1974 par Roland Moreno
qui baptise d’abord son projet TMR, en référence au film Take the Money and Run ("Prends l’oseille et
tire-toi") de Woody Allen ! L’enregistrement de données (dans la
mémoire PROM) de son projet de carte à puce est "irréversible, inconditionnel
et sélectif", muni d’un "comparateur de code" et d’un
"compteur d’erreurs", le tout étant unifié par des "moyens
inhibiteurs".
Cette technique intéresse très vite le secteur bancaire (qui crée un
groupement d’intérêt économique "Carte bancaire"), puis la direction
générale des Télécommunications (aujourd’hui France Télécom) qui cherche alors
à remplacer les pièces de monnaie des cabines téléphoniques par des cartes
téléphoniques. Mais il faudra encore huit ans avant que la carte à puce ne
franchisse l’étape industrielle (Gemplus International). Depuis lors, la carte
à puce n’a cessé de se diversifier. Au début du XXIe siècle, trois milliards de
cartes à puce sont utilisées dans le monde.
3. Invention du TGV (1974-1981)
L’histoire du TGV commence officiellement
en France en 1974, avec le projet d’un " train à grande vitesse " sur
la ligne Paris-Lyon. Depuis son lancement en 1981, le TGV n’a cessé d’augmenter
sa vitesse.
Les éléments précurseurs du TGV sont multiples. En 1955, la France fait des
essais de train à grande vitesse dans les Landes, avec un record du monde à 331
km/h sur infrastructure classique. Mais la grande vitesse ferroviaire sur
infrastructure spécialisée trouve son origine dans la mise en service au Japon
du Shinkansen ("nouvelle grande ligne") qui révolutionne le transport
de voyageurs dès la création, en 1964, de dessertes à 210 km/h entre Tokyo et
Osaka.
En 1974, le président Pompidou lance le projet d’un TGV – train à grande
vitesse – conçu par Alstom et exploité par la SNCF, entre Paris et Lyon. Le TGV
est mis en service, le 27 septembre 1981. Avec une vitesse de 260km/h en 1981,
le TGV atteint la vitesse commerciale de 300km/h en 1989 sur la nouvelle ligne
Atlantique. Le 15 mai 1990, il obtient le record du monde de vitesse avec
une pointe à 515,3 km/h.
La ligne du TGV Nord, qui dessert Lille, Dunkerque et Calais, est ouverte
le 26 septembre 1993. Puis c’est au tour de l’Eurostar d’être inauguré par le
président François Mitterrand et la Reine Elizabeth II, le 6 mai 1994. Après Londres, ce sont Bruxelles,
Amsterdam et Cologne qui obtiennent leur TGV : le Thalys est lancé le 2
juin 1996. Le TGV Méditerranée de couleur bleue est mis en service, le 7 juin
2001, pour un Paris-Marseille en 3 heures. En 2007 est inaugurée la nouvelle
ligne de TGV Est européen : les trains circulent à 320 km/h, reliant Paris
à Strasbourg en 2 heures 20 minutes. Le 3 avril 2007, une rame de TGV sensiblement
modifiée établit un nouveau record du monde de vitesse sur rail en atteignant
574,8 km/h. Enfin, depuis décembre 2013, le TGV relie Paris à Barcelone en 6
heures.
4. L’antituberculeux du BCG
(1921)
Le 18 juillet 1921, le BCG,
vaccin antituberculeux mis au point par le médecin Albert Calmette et le
vétérinaire Camille Guérin, est inoculé avec succès à un nouveau-né dont la
mère vient de mourir de tuberculose.
Associés dès le début du XXe siècle, Albert Calmette et Camille Guérin
travaillent tous deux à l’Institut Pasteur de Lille à la recherche d’un vaccin
contre la tuberculose qui les occupera pendant vingt ans.
En 1905-1906, ils constatent que de jeunes bovins guéris d’une tuberculose
expérimentalement provoquée ne sont pas réinfectés. Puis ils constatent en 1908
qu’en ensemençant une souche bovine virulente sur une pomme de terre imprégnée
de bile de bœuf, le bacille garde ses caractères principaux, mais perd son
pouvoir pathogène.
Ces ensemencements, répétés 230 fois entre 1908 et 1921, rendent finalement
la souche complètement inoffensive. Les premiers essais sur des animaux de
laboratoire et des bovins sont extrêmement probants et concluent à l’innocuité
et au pouvoir protecteur de cette souche biliée. Des essais de vaccination vont
dès lors être entrepris sur l’homme. La première vaccination d’un nouveau-né
dont la mère vient de mourir de la tuberculose est réalisée le 18 juillet 1921.
En 1928, la diffusion en masse du vaccin est lancée.
5. L'invention de la
radioactivité (1898)
Après le physicien Henri
Becquerel, qui a réussi à mettre en évidence le "rayonnement
spontané" de l’uranium (1896), les physiciens Marie Curie, née Sklodowska,
et son mari Pierre Curie parviennent à extraire du minerai d’uranium des
éléments beaucoup plus actifs encore, le polonium et le radium, à l’origine de
ce rayonnement (1898). La "radioactivité" est née.
En faisant la découverte du polonium et du radium qu’ils sont parvenus à
isoler, Pierre et Marie Curie établissent la propriété de certains types d’atomes d’émettre spontanément
des rayonnements, et donnent à ce phénomène le nom de "radioactivité"
(du latin radius,
"rayon"). Intensément radioactif, le radium l’est 1 million de fois plus
que l’uranium pour la même masse.
En 1903, le prix Nobel de physique est attribué conjointement à Henri
Becquerel pour "sa découverte de la radioactivité spontanée" et aux
Curie pour leurs "recherches communes sur les phénomènes de radiation
découverts par le professeur Becquerel". Dans cet éloge, pas la moindre
allusion à leur découverte du radium…
Après la mort accidentelle de Pierre Curie en 1906, Marie hérite de sa
chaire à la Sorbonne et poursuit ses recherches. En 1910, le doute n’est plus
permis : elle a réussi à isoler l’élément radium sous sa forme métallique,
une forme très difficile à obtenir. Un deuxième prix Nobel, en chimie celui-là,
lui est attribué l’année suivante. En 1914, est fondé l’Institut du radium
(institut Curie). Lors de la Première Guerre mondiale, Marie Curie organise le
premier service radiologique mobile. Durant la première moitié du XXe siècle,
le radium sera essentiellement utilisé en physique pour l’étude de la structure
du noyau atomique et en médecine pour soigner le cancer.
6. Invention : la mécanique
ondulatoire des particules (1924)
Découvrant la nature
ondulatoire des électrons en 1924, Louis de Broglie (1892-1987) révolutionne la
mécanique des particules, en créant la mécanique ondulatoire des particules.
C’est désormais à partir de la propagation de l’onde que la trajectoire des
particules est calculée.
Fondée sur la théorie des quanta de lumière d’Einstein, qui montre que dans
la lumière, il y a à la fois ondes et corpuscules, la mécanique ondulatoire de
Louis de Broglie attire très vite l’attention d’Albert Einstein. Nouvelle
branche de la physique, confirmée en 1927 par les expériences de Davisson et
Germer sur la diffraction des électrons, la mécanique ondulatoire créée par
Louis de Broglie embrasse dans une vaste synthèse la physique de la matière et
celle de la lumière.
Il reçoit le prix Nobel de physique en 1929 "pour sa découverte de la
nature ondulatoire de l’électron", et devient en 1933 le plus jeune membre
de l’Académie des Sciences, dont il va devenir en 1942 secrétaire perpétuel. À
l’origine d’un tournant capital de la physique moderne, ses vues théoriques sur
les ondes de matière ont eu d’innombrables conséquences pratiques. Elles ont
notamment permis l’invention du transistor et des circuits intégrés, bases de
toute la microélectronique et de l’informatique.
7. L'invention du Concorde
(1969-1976)
Unique supersonique (volant à
une vitesse supérieure à la vitesse du son dans l’air) de l’aviation civile,
capable de traverser l’océan Atlantique en moins de quatre heures, le Concorde
demeure un avion de légende et un symbole de l’excellence française, même s’il
a pris sa retraite en 2003.
Afin de développer un appareil civil supersonique long-courrier,
Britanniques et Français – Aérospatiale et British Aircraft Corporation –
signent un programme commun, le 29 novembre 1962. Sept ans plus tard, en 1969,
les deux premiers vols des prototypes 001 et 002 se déroulent à
Toulouse-Blagnac et Bristol-Filton. Il faut ensuite attendre 6 000 heures de
vol du Concorde pour que le 21 janvier 1976, Air France lance son exploitation
commerciale sur le trajet Paris-Dakar-Rio, tandis qu’un appareil identique
appartenant à British Airways effectue un vol entre Londres et Bahreïn. Quatre
mois plus tard, le 24 mai 1976, deux Concorde aux couleurs d’Air France et de
British Airways s’envolent simultanément sur Paris-Washington et sur
Londres-Washington.
Au total, seize avions de série seront construits. Le Concorde ne sera donc
pas un succès commercial à proprement parler, mais restera une réussite
technologique sans précédent, volant à plus de deux fois la vitesse du son
pendant plus de 3 heures. Cependant, si le supersonique consacre un
savoir-faire unique, il représente un moyen de transport polluant et coûteux, à
l’heure de la démocratisation incarnée par le Boeing B74. Il sera finalement
remis en cause pour des raisons techniques après le crash du 25 juillet 2000
qui fait 113 morts à Gonesse. Des modifications permettent une remise en ligne
progressive à partir d’octobre 2001. Mais suite à la très grave crise que
traverse le transport aérien après les attentats du 11 septembre 2001, Air
France et British Airways décident, en avril 2003, l’arrêt définitif des vols
commerciaux du Concorde.
8. Invention des détecteurs de
particules (1963-1969)
Pour son invention et le
développement de détecteurs de particules, en particulier la chambre
proportionnelle multifils, Georges Charpak reçoit le prix Nobel de physique en
1992.
La mise au point de détecteurs – chambre à étincelles, chambre à bulles,
noyau d’or à haute énergie et surtout chambre proportionnelle multifils – par
Georges Charpak vient à une époque où les physiciens ont besoin de détecteurs
plus petits et plus rapides afin d’étudier les événements rares auxquels les
nouveaux accélérateurs leur donnent accès, et que les progrès de l’électronique
leur permettent d’enregistrer. Les chambres de Charpak seront ainsi utilisées
pour étudier les effets de collisions à très haute énergie dès la fin des
années 1960 et resteront pendant plus de trente ans des éléments essentiels des
détecteurs qui équipent les collisionneurs modernes.
Au cours des années 1970 et 1980, Georges Charpak adapte les techniques
qu’il a mises au point aux besoins des physiciens dans des secteurs très
divers. Mais ce sont surtout les domaines de la biologie et de la médecine qui
retiendront de plus en plus son attention. En collaboration avec des équipes de
recherche de l’Institut Pasteur et du Centre médical universitaire de Genève,
il travaillera à améliorer les techniques d’imagerie des rayonnements ionisants
afin d’en améliorer la précision et la sensibilité.
Collection le 10 Octobre 2014